Marc Brétillot est designer culinaire. C’est lui qui a promu cette forme de design voilà une douzaine d’années. Retour sur son parcours et ses projets.
Edélices : Marc Brétillot, quelles sont les étapes-clé de votre parcours ?
Marc Brétillot : J’ai fait l’école Boulle (école supérieure d’arts appliqués). Ensuite, j’ai fait une école de création de mobilier, et je me suis intéressé aux techniques du verre à chaud (soufflage, thermoformage). J’ai ouvert mon atelier à Paris en 1989, où je réalisais des petites séries de mobilier, et des prototypes de design. Parallèlement, je me suis toujours intéressé à la cuisine, et j’ai toujours hésité entre ces deux formations. J’ai enseigné à l’Ecole supérieur d’art et design de Reims, en donnant des cours sur des matériaux. Et dans le cadre de ces cours, j’ai commencé à traiter des sujets sur la cuisine. C’est dans le cadre de ce cours que ça a pris forme. En parallèle, j’ai développé mon activité sur le design culinaire. Aujourd’hui, j’enseigne à la fois à Reims, où l’activité existe depuis près de 12 ans, j’enseigne aussi à l’Ecole Supérieur de Cuisine Française à Ferrandi, auprès de traiteurs - organisateurs de réception, avec Eric Trochon, qui est cuisinier.
Edélices : Quelle est votre définition du design culinaire ?
Marc Brétillot : Pour définir ce qu’est le design culinaire, il faut définir ce qu’est le design. Pour faire court, c’est du design appliqué à l’alimentation. Dans la question de design, il y a une idée de méthodologie, de style ou de représentation collective. Le design veut générer des espaces de liberté, qui puissent susciter des questions. Ce qui doit être recherché est la cohérence de l’acte de manger dans sa globalité. L’important c’est de dire que manger ce n’est pas que l’ingrédient, le produit ou le goût, mais c’est aussi le contexte dans lequel on va manger le produit ou l’histoire qu’on y rattache, qui vont modifier la perception des produits.
Edélices : Qu’est-ce qui vous différencie des autres designers culinaires ?
Marc Brétillot : Le design est lié au développement de l’industrie : comment rendre des objets plus attrayants pour se démarquer de son voisin ? Il y a des designers qui sont plus centrés sur le côté marketing. Moi j’ai un côté plus artiste : je monte des équipes, je ne veux pas de salariés, je ne veux pas dépendre d’une agence. Je veux monter moi-même mes projets, voyager, plutôt que de me spécialiser dans un unique projet.
Edélices : Y a-t-il une réalisation dont vous êtes particulièrement fier ?
Marc Brétillot : Quand on fait des projets, il y a plusieurs niveaux de satisfaction : la partie rencontres, et le résultat. Il y a des projets que j’aime particulièrement car j’ai fait de belles rencontres. Mais dans les métiers de la création, on est obligés d’être constamment insatisfait de ce qui est existant, parce que sinon, ce qui a été fait avant est mieux que l’actuel. Dans tous les projets, il y a des choses insatisfaisantes. Il y a des produits qui marchent plutôt bien, comme le mille-feuille vertical. J’ai aussi travaillé sur un projet avec Philippe Châtelain : la relation entre la cuisine et le son, la musique. C’est le sens oublié du goût. Ça s’appelle « Rond de soupe ». On place une centaine de personnes ensembles dans une pièce, et on leur fait préparer une soupe, avec un compte à rebours et une mise en situation sonore et lumière, comme le coup de feu d’un restaurant. Une espèce de boîte de nuit où le tempo augmente. C’est aussi ce que j’aime dans ce métier : il y a cette dimension adrénaline, comme pour les cuisiniers. C’est assez épuisant mais très excitant.
Edélices : Y a-t-il une réaction qui vous a particulièrement marqué ?
Marc Brétillot : Il y a une phrase qui m’a marqué. Lors d’une conférence à Sète, il y avait une dame appartenant aux Petits Frères des Pauvres qui m’a dit « Il n’y a que les riches qui ont droit à cette activité ». Evidemment, le design est une activité luxueuse. Là je pars en Norvège pour un projet qui s’appelle « Precious Food » qui porte sur les 30% de nourriture produite qui est jetée à la poubelle, qui pourrait nourrir la planète. C’est sûr que le côté sociétal est un sujet très intéressant, et qu’il faut développer.
Edélices : Quelle est votre plus grande satisfaction ?
Marc Brétillot : Ma plus grande satisfaction c’est d’arriver à réunir mes passions : le dessin, le design, la construction et la cuisine.
Edélices : Quelle est votre actualité ?
Marc Brétillot : Cet été je fais un work shop sur le chocolat à Boisbuchet. En septembre a lieu la première Design Week à Paris, où je présenterai des objets. Ensuite j’irai en Norvège, pour travailler sur le projet « Precious Food ». Puis je suis en train de monter un site, dont le but est de questionner des acteurs autour du design culinaire à travers des films. Comme c’est difficile d’avoir une définition précise du design, c’est l’addition de toutes ces définitions qui en fera une globale. Le site devrait être disponible avant la fin de l’année (www.thinkingfooddesign.com).
Nous remercions Marc Brétillot de nous avoir accordé du temps pour réaliser cette interview. Pour connaître un peu mieux son univers, rendez-vous sur marcbretillot.com.